Populations

En 2023, 52 % des immigrés vivant en France sont des femmes.

En 2024, le Comede a soigné et accompagné 4 764
femmes (47%),
dont 2 595 dans le cadre des permanences téléphoniques, 1 165 au Centre De Santé et 1 004 dans les autres lieux de soins.

Les femmes ont plus souvent des enfants (37%, et sont plus souvent parentes isolées (17% PT).

Au Comede, si la totalité des patient·es s’affirme dans au moins un des critères de vulnérabilité, certains chiffres sont encore plus alarmants concernant les femmes. 21% des patientes reçues à l’accueil n’avaient pas un accès sécurisé à l’alimentation. D’ailleurs, 29% des patientes se retrouvaient en détresse sociale. La détresse sociale est confirmée par au moins un des 5 critères de vulnérabilité : Allophonie, problème d’hébergement, problème de séjour, isolement relationnel, pas de protection maladie, revenus inférieur au seuil CSS, problème pour s’alimenter, problème pour se déplacer /prendre les transports.

Ces chiffres sont plus élevés que dans le groupe des patients masculins.

Plus d’une femme sur cinq n’a pas bénéficié de scolarisation dans le pays d’origine. Elles sont 32% a avoir suivi une formation secondaire, 1% une formation primaire et 14% universitaire. Près de la moitié des exilées (41%) étaient sans profession (dont étudiantes) dans le pays d’origine, les professions le plus souvent exercées étant commerçantes (16%), employées (11%) et professions intermédiaires (5%).

Podcast : écouter l'épisode dédié à l'accompagnement des femmes au Comede.

Les violences liées au genre sont très présentes dans les récits des femmes reçues au Comede

Les violences subies par les patien·es du Comede ont pu avoir lieu dans leur pays d’origine, durant le parcours, et/ou lors des premiers mois de leur arrivée en France. Parmi les patientes du Centre de santé, 74% des femmes ont déclaré des antécédents de violence et 55% des antécédents de violence liées au genre (définition OMS). Chez les femmes, les victimes de violences de genre sont significativement plus jeunes que les autres victimes.

Dans le pays d’origine, les femmes sont principalement victimes de leur famille (42% des évènements rapportés), de leur partenaire ou de leur belle-famille (28%), puis de représentants de l’État (policiers, militaires, geôliers, 19%). Les hommes sont victimes des représentants de l’État, le plus souvent en prison. Des patients rapportent le viol de leur conjointe ou de leur fille en tant que « représailles » par des policiers ou des militaires. Les travailleuses du sexe et les personnes LGBT sont majoritairement violentées par leur famille ou leur entourage (voisins, villageois…).

A noter que les violences ont un fort impact sur l’autonomie reproductive des patientes, 14 d’entre elles étaient enceintes suite à un viol. Six patientes ont eu une fausse couche. Une a dû recourir à une interruption médicale de grossesse, et une dernière a donné naissance à un enfant atteint de handicaps multiples.

Enfin, si les violences « au pays » sont de nature variée, le trajet est principalement associé à des privations de libertés et le pays d’accueil à des violences sexuelles. Si 5% des patients du CDS déclarent des violences subies en France ou un autre pays d’accueil, trois quarts de ces déclarations sont énoncées par des femmes.

Les mutilations sexuelles et génitales féminines

Peu de mots entourent cette pratique. Ce silence se poursuit parfois jusqu’en pays d’accueil, où il peut être difficile d’en parler dans la mesure où ces pratiques sont interdites et sanctionnées. La plupart des femmes ne l’évoquent pas spontanément en consultation. Pourtant, l’insatisfaction et les difficultés sexuelles qu’elles attribuent à l’excision sont des préoccupations prépondérantes. Toutes ces femmes ont rapporté des troubles de la sexualité liés à l’excision : douleurs (65%) et absence de plaisir (65%) pendant les rapports sexuels, absence de désir voire évitement des rapports sexuels (20%). Les autres conséquences sur la santé les plus souvent attribuées ont été une mauvaise perception de l’image de leur corps (25%), le fait de se sentir « anormale », et des souvenirs traumatiques (20%).

Plus d’information sur les mutilations sexuelles féminines dans l'article "Tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines"

Finalement, suite à ces parcours de violence on retrouve des symptômes de psychotraumatisme chez 36% des femmes du Centre De Santé.

Une détresse sociale et administrative

Les femmes qui s’adressent au Comede vivent dans des conditions d’hébergement très précaires. Seules 2% des patientes du Centre de santé bénéficient d’un logement autonome. Parmi les patientes du CDS qui bénéficient d’un hébergement, 36% sont hébergées « chez un tiers » (des situations qui mettent les travailleuses sociales en alerte en raison du risque d’hébergement contre « services sexuels »).

Au Centre de santé du Comede, les assistantes sociales caractérisent les situations d’urgence de mise à l’abri. En 2022, les 89 personnes concernées étaient pour moitié des femmes (51%, alors qu’elles représentent moins d’un tiers de la file active), jeunes (âge moyen 37 ans).

Bien que plus fréquemment atteintes d’une maladie grave, les femmes reçues au Comede sont très souvent dépourvues de protection maladie (74%) et se trouvent en situation de séjour précaire (95%). Pour 27% des femmes reçues en première consultation au CDS l’accueil note des difficultés pour se déplacer et 21% de ces femmes n’ont pas mangé à leur faim au cours des derniers jours. Ces données sont plus élevées que dans les groupes masculins. Ces patientes vivent de plus une situation de grand isolement. Elles sont 17% à vivre seules avec un enfant et 35% vivent sans aucun soutien familial ou affectif.

État de santé

En matière d’épidémiologie médicale, les femmes exilées sont plus souvent atteintes que les hommes d’infection à VIH (5 fois plus), maladies cardiovasculaires et cancers (x 2), ainsi que de troubles psychiques graves (x 1,6) et d’hépatite C chronique (x1,3). Par ordre de fréquence, elles sont principalement atteintes :

  1. de troubles psychiques graves (taux global 248 pour 1000, plus des deux tiers étant des syndromes psychotraumatiques et traumas complexes),
  2. de maladies cardiovasculaires (120),
  3. de diabète (55),
  4. d’infection chronique par le VHB (38),
  5. d’infection par le VIH (33),
  6. et d’infection chronique par le VHC (21).

Les personnes victimes de violence de genre, incluant des hommes homosexuels, présentent des taux plus élevés pour les troubles psychiques, l’infection par le VIH, et l’anguillulose.

Dans ce contexte de vulnérabilité multiple, la grossesse et la périnatalité constituent des périodes particulièrement à risque pour la femme et l’enfant. Parmi les 449 femmes enceintes suivies au Centre de santé entre 2012 et 2017, la grossesse était consécutive à un viol dans 14% des cas, 55% des femmes ne recevaient aucun soutien du père de l’enfant, alors que le suivi de la grossesse était incomplet dans près de la moitié des cas. 

Un accompagnement dédié

A la suite des premières recherche & actions conduites par le Comede sur les phénomènes de double violence et de double discrimination à l’égard des femmes exilées, une coordination pluridisciplinaire « femmes et genre » a été mise en place en 2012 pour affiner les données d’observation, sensibiliser l’équipe et les partenaires du Comede, et proposer de nouvelles actions à destination des femmes et sur les problématiques de genre.
Coordination « femme et genre » et actions spécifiques

Les violences liées au genre englobent les violences à l’égard des femmes, les violences sexuelles qui, si elles affectent principalement des femmes, touchent aussi des hommes, ainsi que les violences liées à l’orientation sexuelle et l’identité de genre que subissent les personnes homosexuelles, bisexuelles, transsexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI). Universelles, ces violences sont toutes liées à des représentations et rôles de genre dominés par l’inégalité entre hommes et femmes et le modèle hétérosexuel du couple et de la sexualité. Au Comede, l’attention à la situation des femmes et aux violences liées au genre se concrétise dans des relations soutenues avec des associations de soutien aux femmes et aux personnes LGBTI, notamment grâce au travail d’orientation effectué à partir de l’accueil du Centre de santé.


Face aux situations de grande vulnérabilité et d’isolement rencontrées parmi les patientes du Centre de santé, le Comede a mis en place une consultation de santé sexuelle et féminine. Ces consultations gynécologiques permettent d’aborder les questions relatives à la santé sexuelle pour des femmes ayant été confrontées à de multiples violences. En 2022, 96 consultations ont été effectuées pour 52 patientes, dont 46% en langue étrangère (interprétariat présentiel 3%, téléphone 18%). Ces consultations intègrent des actions de prévention, dépistage (frottis cervico-vaginal), contraception et traitements.


Enfin, depuis 2022, une nouvelle formation pluridisciplinaire sur la santé des femmes (Lien vers le centre de formation du Comede) exilées a été mise en place et l’implication des médecins et psychologues dans les différentes formations du Comede s’est élargie.