Populations

En 2024, parmi les 10 208 personnes accompagnées par le Comede, on comptait 936 enfants mineurs (9%). Les mineurs sont de jeunes enfants (âge moyen 10 ans) récemment arrivé·es en France (1 an en moyenne), en butte à des difficultés d’accès aux soins hospitaliers. Il faut également noter que 97% des enfants mineur·es reçu·es au Comede n'ont pas de chez eux et que 60% sont sans protection maladie. 

Par ailleurs, concernant la rétention administrative et d’après le rapport au parlement « Les étrangers en France » concernant l’année 2019, 50 498 personnes avaient été placées en centres de rétention, dont 3 377 enfants mineurs. L’immense majorité des enfants retenus l’étaient dans les territoires d’Outre-mer.

État de santé

Les enfants et les MNA sont une population très fragile. À titre d’exemple, 50% des appels à propos de mineur·e·s lors des permanences téléphoniques concernaient des enfants atteints de maladies graves.

Les enfants mineur·es sont principalement atteint·es d’infection chronique par le VHB (taux global 68 pour 1000, plus élevé parmi les jeunes d’Afrique de l’Ouest), et de troubles psychiques graves (94, plus élevé parmi les exilés d’Afrique centrale et d’Asie centrale). La schistosomose urinaire est fréquente parmi les jeunes originaires d’Afrique de l’Ouest (taux global 30, Mali 89), ainsi que l’anguillulose parmi les Ivoiriens (32). La drépanocytose homozygote est également fréquente (taux global 25).

Par ailleurs, ces jeunes multiplient les facteurs de vulnérabilité qui nuisent davantage à leur état de santé. Par exemple, en 2024, 48% des enfants mineurs pris en charge dans les consultations avaient des problèmes d’hébergement. 51% d’entre eux ne pouvaient pas communiquer en français ou en anglais, 34% n’avaient pas mangé pendant les jours précédents la consultation et plus de la moitié n’avait pas de protection maladie (60%).

Ces facteurs de vulnérabilité sont d’ailleurs d’autant plus importants lorsqu’il s’agit de mineur·e·s déclaré·e·s « majeur·e·s », exclu·e·s de la protection et de l’Aide sociale à l’enfance.

Troubles psychiques et soins en santé mentale

Concernant la santé mentale, ces jeunes sont très affecté·e·s par les psychotraumatismes, les troubles dépressifs et les troubles réactionnels aux facteurs de stress. En effet, leur parcours difficile et l’extrême précarité à laquelle ils font face, nécessitent de mobiliser toutes leurs ressources psychiques pour survivre au quotidien, renforçant ainsi leur fragilité.

Dans le pays d’origine, plus de la moitié des jeunes décrivent une famille désorganisée (60%). Un jeune sur cinq est originaire d’une zone de guerre ou de conflit (18%), et un sur 10 a subi des violences sexuelles. Pendant le trajet vers l’Europe et la France, 84% ont affronté la traversée de la Méditerranée dans une embarcation de fortune, et 18% ont survécu à un naufrage.

Durant le trajet d'exil, la plupart des jeunes ont été témoins de violence (63%), 23% ont perdu leurs soutiens durant le trajet, 16% ont traversé des zones de guerre, 16% ont été prisonniers ou kidnappés, 16% ont subi des tortures ou traitement inhumains, 11% ont perdu un proche et 4% sont des victimes de traite des êtres humains.

Ces jeunes éprouvent une détresse massive et réactionnelle à la précarité de leur vie en France, qui se manifeste par une humeur triste, de l’anxiété, des troubles du sommeil (insomnies), des troubles de la concentration, des mouvements de retrait social, un sentiment d’impossibilité à faire face, à faire des projets ou à tenir dans la situation actuelle. Elle peut également se traduire par des idées suicidaires.

Dans le rapport « La santé mentale des mineurs non accompagnés - Effets des ruptures, de la violence et de l’exclusion », paru en 2021, Médecins Sans Frontières et le Comede alertent sur les conséquences de la vie en exil et de la politique de non-accueil de la France sur la santé mentale des mineurs non accompagnés (MNA)

Accueil prioritaire

Au Centre de santé, les enfants et les MNA bénéficient d’un accueil prioritaire. Un bilan de santé est proposé lors d’un premier rendez-vous avec le ou la mineur·e qui peut être accompagné·e d’un·e interprète professionnel·le si nécessaire.

Ledit bilan de santé facilite la prévention, le dépistage et les soins de diverses affections graves ou potentiellement graves. Il comprend un examen clinique, incluant un entretien et un repérage de troubles psychiques, ainsi que des examens complémentaires réalisés par les laboratoires intervenant pour la Dases de la Ville de Paris, partenaire conventionnelle du Comede depuis 1984. Il consiste en des prélèvements sanguins (NFS-plaquettes, sérologies du VHB, du VHC, du VIH, de la syphilis, des anguilluloses et des schistosomioses), une radiographie pulmonaire accompagnée ou non d’un quantiféron, et des examens parasitologiques des selles et des urines ainsi qu’une bandelette urinaire.

Une seconde consultation médicale est ensuite planifiée avec le/la référent·e socio-éducatif de l’ASE afin de remettre au/à la mineur·e les résultats de ses examens. C’est à la fois un temps d’éducation à la santé et l’occasion de débuter les vaccinations nécessaires. Outre le dépistage de maladies graves, le bilan de santé permet également de retrouver et de traiter des affections bénignes et fréquentes (anémies, parasitoses intestinales…), d’aborder les questions de sexualité, de prévention des IST, de contraception et d’addictions. Un bilan dentaire et ophtalmologique est également prescrit. Près de la moitié des consultations médicales conduisent à la délivrance de médicaments par la pharmacie du Comede dans l’attente de l’ouverture des droits à une protection maladie intégrale. Selon les besoins, le/la médecin peut également solliciter l’intervention des autres professionnel·le·s du Centre de santé (psychothérapeutes, assistant·e·s social·e·s, éducation thérapeutique, ostéopathie).

Ensuite, un projet de soins est proposé aux jeunes patient·e·s en coordination avec les projets d’encadrement socio-éducatif. Certain·e·s mineur·e·s sont susceptibles d’être accueilli·e·s dans des foyers ou dans des familles d’accueil sur l’ensemble du territoire, la liaison avec un·e médecin de proximité est donc importante pour assurer la continuité des soins.

Victimes du soupçon

Les causes de l’exil sont multiples, mais tou·te·s ces mineur·e·s ont quitté une situation familiale fragile en conséquence d’une guerre, de conflits intra-familiaux, de difficultés économiques… Chez ces très jeunes exilé·e·s, la protection en tant que réfugié·e·s se double de la nécessité de protection de l’enfance. Néanmoins, une partie d’entre eux/elles sont soupçonné·e·s par les services spécialisés de ne pas donner leur âge véritable, et peuvent voir leur minorité contestée par la pratique d’une expertise médicale fondée sur des bases scientifiques très discutées, même lorsqu’ils disposent d’une pièce d’état civil.

À l’instar du Comede, plusieurs collectifs (ADJIE, MIE) déplorent l’exclusion d’une partie des mineur·e·s isolé·e·s étranger·e·s et des dysfonctionnements des services de « l’enfance », en dépit de la circulaire Taubira du 31 mai 2013. Plus grave encore, la proposition de loi, adoptée au Parlement en 2015, complétant la législation de 2007 sur la protection de l’enfance, fait l’impasse sur la question de l’évaluation préalable à l’entrée dans le dispositif de protection, qui conduit actuellement à laisser à la rue plus d’un·e jeune sur deux.